Mise en point : Les imams ne doivent pas servir de boucs émissaires pour soulager notre conscience ou combler nos carences

Dans son communiqué du 12 octobre 2023, le CFCM avait adressé un message aux imams de France indiquant que des développements autour du conflit israélo-palestinien risquait d’être source d’incompréhension et de polémiques.

Le CFCM n’a pas pour vocation de dicter ou de censurer les imams dans le contenu de leur discours. En même temps, il a le devoir de les écouter et de les alerter face à des situations qu’il estime risquées. Il le fait en s’appuyant sur les avis éclairés de nombreux imams conscients de la particularité du moment.

Les imams de France sont parfois la cible des politiques qui leur reprochent de s’être « mal exprimés » sur le conflit israélo-palestinien, mais aussi de certains musulmans de France qui leur reprochent de « ne pas s’exprimer assez » sur le conflit.

Les uns comme les autres ne doivent pas perdre de vue qu’il s’agit d’un sujet ultrasensible avec des enjeux complexes et épineux. Les mots prononcés par certains imams peuvent dépasser et trahir leur pensée. La prudence d’autres n’est pas synonyme d’une absence d’intérêt pour le sujet. 

Il ne faut pas oublier non plus que dans ce conflit, même si la religion y est régulièrement invitée et instrumentalisée, le conflit est d’abord et avant tout politique.

Des discours basés sur des versets du Coran et des hadiths, sortis de leur contexte pour faire le lien direct avec la situation d’aujourd’hui portent de grands risques pour les imams qui s’y aventurent. Les textes fondateurs de l’islam parlent des « enfants d’Israël » (descendants du prophète Jacob, Paix et Bénédiction soient sur lui), mais dans des contextes précis.

Aujourd’hui, la communauté juive connait autant de disparités que la communauté musulmane. Et comme les musulmans ne supportent plus, et à juste titre, d’être essentialisés et souvent amalgamés via des expressions ambigües telles que « islamistes », ils doivent aussi s’imposer la même exigence envers les autres communautés.

La loyauté exige aussi de reconnaître que parmi les défenseurs de la cause palestinienne, les plus engagés en France, figurent de nombreuses personnalités de confession ou de culture juive. Une raison de plus, s’il en fallait une, de regarder ce conflit avec un esprit objectif loin des idées reçues.

Les musulmans de France doivent rester lucides face à cette complexité. Ils peuvent et doivent se joindre, en tant que citoyens, aux forces vives de notre pays éprises de paix et de justice pour défendre toutes les causes justes dont celle du peuple palestinien.

Des imams peuvent aborder le sujet sous des angles appropriés et non polémiques avec l’intention d’aider les fidèles à s’élever, au-dessus des conflits, de l’ignorance, des émotions, des confusions et de l’agitation ambiante.

Les imams n’ont pas vocation à user de leur noble fonction pour exacerber les tensions. Ce serait trahir leur noble mission et le but du message qu’ils doivent porter et transmettre.  Il leur appartient au contraire d’appeler sans cesse à l’apaisement, à la modération, à la conciliation, au respect mutuel, à l’unité, et ce, avec la sagesse, la bonne exhortation et l’intelligence, comme le recommandent le Coran et les enseignements prophétiques.

Il leur appartient également d’élever des prières et invocations pour le peuple palestinien, afin qu’il puisse faire face à l’injustice qui le frappe et aux terribles souffrances qu’il endure. Car, il est naturel que chacun puisse se sentir davantage concerné par la souffrance de ceux qui partagent sa foi et son histoire. Et à ce titre, il est naturel que les musulmans de France se sentent proches des musulmans du Proche-Orient. Il en va de même pour les juifs et les chrétiens de France vis à vis des juifs et des chrétiens du Proche-Orient.

Mais à partir du moment où des atrocités sont commises, ce sentiment naturel doit laisser place à des principes universels et transcendants : défendre la justice contre la barbarie d’où qu’elle vienne, les droits humains contre les crimes de guerre, le respect du droit international contre sa violation ; œuvrer pour la résolution pacifique des conflits et briser les cycles interminables de vengeance.

Dès lors, les citoyens qui veulent défendre pacifiquement cette cause sont libres de le faire dans le cadre que permet le droit de notre pays. Ils doivent le faire toujours avec le souci de sauvegarder l’unité et la paix dans notre pays pour pouvoir la promouvoir ailleurs.

En plus de leur rôle principal de guide spirituel, les imams sont déjà submergés de missions diverses et variées : assistance sociale, médiation, accompagnement psychologique, etc. Leur demander en plus d’être chroniqueurs et des experts de la géopolitique serait trop eu égard à leur statut souvent mal défini et leurs moyens très limités. Les imams ne doivent en aucun cas être des boucs émissaires pour soulager nos consciences ou combler nos carences.

Paris, le 26 octobre 2023

Le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)

CFCM

Le Conseil français du culte musulman est une association française régie par la loi de 1901 qui a vocation à représenter le culte musulman en France auprès des instances étatiques pour les questions relatives à la pratique religieuse.

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