Selon la Première ministre, madame Elisabeth Borne, aucune difficulté liée au port de la « abaya » n’a été constatée ce premier jour de la rentrée scolaire. Cependant, les conséquences de la note interne adressée par le ministre de l’éducation nationale, M. Gabriel Attal, aux chefs d’établissements concernant l’interdiction de la « abaya » risquent d’alimenter l’actualité des prochaines semaines. L’absence, dans cette note administrative, d’une définition claire de ce vêtement créée de fait une situation floue et une insécurité juridique.
En effet, dans les médias, certains ont affirmé qu’il était possible de différencier une « abaya » d’une robe longue « en fonction du contexte ». Le CFCM est plus que perplexe face à ce genre de déclarations. Si une jeune fille récuse l’aspect religieux de sa robe longue, au nom de quoi et sur quoi se basera ce « contexte » ? S’agit-il de mettre en place un contrôle au faciès arbitraire ? Les critères qui seront utilisés ne risquent-ils pas de se fonder sur l’origine supposée, le nom de famille ou la couleur de peau ?
Le CFCM ne défend pas le port de la « abaya » ou de la robe longue en soi. Cependant, il craint qu’on puisse arriver à la situation ubuesque, inédite et choquante ou dans une même classe, une robe longue pourra être portée par une jeune fille car prétendument « non musulmane », et que cette même robe sera interdite à sa camarade de classe car un « certain contexte » supposerait qu’elle soit « musulmane ».
Le CFCM tient à exprimer son inquiétude face à ces risques élevés de discriminations envers des jeunes filles en raison de leur « appartenance supposée » à la religion musulmane. Fidèle à son engagement dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, et conformément à ses missions et à ses engagements, il se réserve le droit de saisir le Conseil d’État si l’application concrète de cette mesure d’interdiction aboutissait à des formes de discrimination.
Dans sa tradition constante, le CFCM a toujours eu un attachement particulier au respect du droit en vigueur qui est le fondement de la République et de la vie en société. C’est pourquoi il condamne tous les appels à la désobéissance et rejette le prosélytisme quelle qu’en soit la forme.
Par ailleurs, le CFCM a écouté avec attention les témoignages des premières concernées et a constaté une multitude de causes menant au port de ce type de vêtement, c’est pourquoi il rejette toute forme de généralisation.
Certaines jeunes filles affirment porter la « abaya » en pensant qu’il s’agit d’un vêtement religieux. Le CFCM leur rappelle que la « abaya » n’a jamais été un vêtement ou une prescription religieuse.
D’autre jeunes filles ou garçons, à l’âge de l’adolescence, peuvent adopter des tendances vestimentaires par défi, contestation ou par rébellion à l’égard de l’autorité de manière générale. Le CFCM tient à rappeler aux élèves de confession musulmane, que s’abstenir de toute ostentation ou attitude provocatrice et faire preuve de bienséance sont au cœur de toute foi sincère.
Enfin, de nombreuses jeunes filles, adeptes ou non d’une religion, choisissent librement de porter des robes longues par « style » ou effet de mode, par culture ou tradition, ou pour toute autre raison personnelle, loin de toute volonté de provoquer. En tant que citoyens, les membres du CFCM déplorent que ces jeunes là puissent désormais, à une période clé de leur vie, se sentir blessées, contraintes, et lésées dans leurs libertés individuelles, et plus particulièrement si leur libre choix venait à être entravé arbitrairement.
Le CFCM a confiance dans le corps éducatif de notre pays et dans sa capacité à établir un dialogue serein et intelligent avec les élèves. C’est par le dialogue et la pédagogie que l’école peut se préserver de toute tension préjudiciable à ses nobles missions, et à promouvoir, plus qu’ailleurs, le savoir vivre ensemble.
Paris, le 4 septembre 2023
Le Conseil Français du Culte Musulman