Le sondage de l’Ifop, commandité par la revue Écran de veille, se présente comme « un état des lieux du rapport à l’islam et à l’islamisme des musulmans de France ». Malheureusement, il s’apparente à une nouvelle mise à l’index des citoyens français de confession musulmane et de leurs pratiques religieuses.
Certaines données et analyses de ce sondage sont contestables. Les conclusions qui en ont été tirées ont été largement reprises et instrumentalisées par les cercles islamophobes pour dépeindre les musulmans comme une menace intérieure et existentielle pour notre pays et ses institutions.
D’autres données, notamment le fait que les musulmans ne représentent pas plus de 7% de la population française, mettent particulièrement à mal la théorie du « grand remplacement ».
Le CFCM rappelle qu’un sondage réalisé auprès d’un millier de personnes n’offre jamais qu’une photographie subjective, influencée par le contexte, par les modalités de recueil et par les termes employés. Il doit donc être interprété avec recul et vigilance afin d’éviter amalgames et généralisations abusives.
DES BIAIS MÉTHODOLOGIQUES ET DES QUESTIONS FLOUES
Les nombreux biais méthodologiques rendent certaines des conclusions du sondage approximatives, erronées et dépourvues de valeur scientifique. Le choix d’une enquête téléphonique, comme celui de l’auto-déclaration religieuse, introduit des biais bien connus dans les études sociales et par les instituts de sondage eux-mêmes.
Il n’est donc pas étonnant que certaines conclusions s’éloignent grossièrement de la réalité, et surtout des résultats bien établis par des études sérieuses menées en France par l’INSEE, l’INED ou le CNRS. Ces travaux, consolidés sur plusieurs décennies, doivent demeurer la référence pour toute analyse rigoureuse de l’islam en France.
Par ailleurs, les questions portant sur la « charia », ou sur une supposée « sympathie » envers des courants extrémistes, utilisent des termes flous et mal définis. S’y ajoute une méconnaissance, en particulier chez les plus jeunes, des notions citées (Frères musulmans, salafisme, wahhabisme…), malgré la présence de ces notions dans le débat public.
UNE LECTURE DISCUTABLE DES DIFFÉRENCES GÉNÉRATIONNELLES
L’enquête affirme que « sur tous les indicateurs, les jeunes musulmans sont plus rigoristes et plus radicaux que leurs aînés ». Cette conclusion ne fait pourtant que refléter un biais classique des enquêtes téléphoniques : • les plus âgés tendent à sous-déclarer leur pratique religieuse, par retenue ou par crainte d’être mal compris ; • les plus jeunes tendent à sur-déclarer leur religiosité, souvent en réaction à un contexte de forte stigmatisation.
Cette affirmation identitaire s’apparente à un véritable renversement de stigmate : « Ce que vous me reprochez sans cesse, j’en fais une fierté ».
DES CHIFFRES INCOHÉRENTS ET DES CONCLUSIONS ATTENTATOIRES À LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
Exemple d’incohérence qui contredit une réalité : le sondage affirme que 35% des musulmans fréquenteraient la prière du Vendredi. Cela représente près de deux millions d’individus, or, la capacité maximum d’accueil des mosquées de France n’atteint pas les 500 000.
Certaines affirmations du sondage pourraient s’apparenter à une mise en cause de la liberté religieuse, comme l’idée selon laquelle les musulmans privilégieraient de plus en plus les règles religieuses plutôt que les lois françaises en citant notamment l’abattage rituel. Cette affirmation semble opposer la loi française à une pratique religieuse parfaitement légale qui concerne à la fois les musulmans et les juifs de France.
APPEL À LA RESPONSABILITÉ
Le CFCM alerte sur une dérive sémantique inquiétante dans le débat public : alors qu’il ciblait autrefois le « terrorisme » et l’extrémisme se réclamant de manière fallacieuse de l’islam, il s’en est progressivement pris à « l’islamisme » — sans jamais définir ce terme — pour désormais viser directement les « musulmans ».
Il ne faut pas perdre de vue que des expressions alarmistes, présentes dans le sondage, telles que «processus de réislamisation, intégrisme, absolutisme religieux, sympathie aux islamistes,.. » pourraient, dans un contexte où les actes et la haine antimusulmans connaissent une nette progression, mettre encore plus en danger les musulmans et leurs lieux de culte .
Paris, le 20 novembre 2025
Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)
