Quelles que soient leurs démarches ou leurs choix de vie, ces femmes sont devenues, dans notre pays, une cible facile, érigée en bouc émissaire de nombreux maux de notre société. Certains les accusent de communautarisme ou d’entrisme, d’autres prétendent vouloir les « libérer » d’un prétendu asservissement. Dans les deux cas, ce sont leurs libertés fondamentales qui sont remises en question.
Cette campagne permanente, délétère et stigmatisante, alimente les tensions et fragilise la cohésion nationale. Elle expose ces femmes à des formes croissantes d’insécurité, d’agressions verbales comme physiques, devenues une réalité quotidienne pour un nombre grandissant de citoyennes que la République se doit pourtant de protéger.
Le CFCM a toujours dénoncé le port du voile lorsqu’il est imposé. Mais il s’élève également contre toute dérive qui, sous couvert d’émancipation ou de laïcité, s’autorise un regard paternaliste, condescendant, et souvent dangereux à l’égard des femmes qui ont librement choisi de porter le voile.
Rappelons la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, prononcée en français devant les représentants du monde entier : « Dans certains pays, les femmes et les filles sont punies parce qu’elles portent trop de vêtements. Dans d’autres, parce qu’elles n’en portent pas assez ».
Plus d’un siècle avant lui, Aristide Briand, rapporteur de la loi de 1905 – fondement de notre laïcité – affirmait, en réponse à une proposition d’interdire aux prêtres le port de la soutane dans l’espace public, « La soutane devient, dès le lendemain de la séparation, un vêtement comme un autre, accessible à tous les citoyens, prêtres ou non. C’est la seule solution qui nous ait paru conforme au principe même de la séparation (…)».
Dans notre pays celles et ceux chargés de services publics contrairement aux usagers sont soumis à la neutralité religieuse. La majorité des français de confession musulmane a toujours accepté cette différence de statut, inscrite dans la loi de la République, entre les agents de la fonction public, parce que détenteurs de la puissance publique, et les usagers. Mais vouloir sans cesse légiférer pour effacer la visibilité religieuse d’une seule composante de notre pays est non seulement contraire au principe d’égalité de traitement mais aussi au principe même de laïcité.
Le flou qui entoure les termes comme « entrisme » ou « islamisme » crée aujourd’hui un climat où plus aucun citoyen musulman ne se sent à l’abri de la suspicion. Au nom d’une laïcité dévoyée, on glisse sans retenue d’un débat sur le voile dans le sport à la rupture du jeûne pendant un match, voire à la soit disant pénurie d’œufs attribuée au Ramadan.
Le CFCM appelle à la raison, à la retenue et au sens des responsabilités. Ces sujets, trop souvent instrumentalisés, ne doivent pas devenir le terrain de jeux idéologiques, médiatiques et d’opportunisme politique au détriment de la cohésion nationale, de la sécurité, de l’intégrité et du respect des libertés de chacun, et à fortiori des femmes quels que soit leurs choix de vie.
Paris, le 26 mars 2025
Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)