Le CFCM a pris connaissance de la décision du Conseil d’État, de ce jeudi 07 septembre 2023, avalisant l’interdiction du port de la « abaya » dans les écoles, collèges et lycées. Dans sa décision, le Conseil d’État a apporté une précision importante sur ce qui justifie l’interdiction de ce vêtement en le qualifiant de vêtement qui « fait immédiatement reconnaître celui qui le porte comme appartenant à la religion musulmane ». Elle délimite donc le périmètre de l’interdiction qui doit s’appliquer à ces longues robes qui font apparaître par elles même et immédiatement l’appartenance à la religion musulmane.
Or, force est de constater que dans la pratique, de nombreux témoignages font état de comportements discriminatoires de la part de certains envers des élèves de confession musulmanes. Des tenues vestimentaires, parmi lesquelles le “kimono” ou une simple chemise et un pantalon amples, qui ne font pas apparaître par eux même et immédiatement l’appartenance à une religion, auraient été prohibées au sein de certains établissements, pour des jeunes filles prétendument « musulmanes ». Ces mêmes vêtements auraient été autorisées à leurs camarades supposées « non musulmanes ».
Alors que l’intention affichée des pouvoirs publics est de faire respecter le principe de Laïcité dans les établissements scolaires et de garantir à tous les élèves les mêmes chances d’émancipation, cette situation absurde de discrimination et de « deux poids deux mesures », si elle se confirme, est une atteinte grave aux principes et aux valeurs de la République. Elle pourrait traumatiser durablement les jeunes filles qui en sont victimes et compromettre de manière significative leur scolarité et leur avenir.
Par ailleurs, certaines scènes surréalistes sont apparues en direct à la télévision où des jeunes adolescentes ont subi de véritables interrogatoires sur leur choix vestimentaire et leur religiosité. Des interrogatoires similaires se seraient produits dans certains établissements scolaires. Finalement, ce qui est ressenti, à tort ou à raison, comme une police du vêtement dérive progressivement et dangereusement vers une police des consciences avec toutes ses conséquences néfastes.
Empêcher une fille de porter un vêtement qui n’est pas un signe religieux ostentatoire et pouvant être porté indistinctement par ses camarades musulmanes ou non, sous prétexte qu’il permet à la fille de rester conforme à sa conviction religieuse, est manifestement contraire à l’esprit et la lettre de la Loi de mars 2004. Celle-ci a pour objectif d’empêcher l’affichage ostentatoire de l’appartenance religieuse de l’élève dans les écoles, collèges et lycées. Elle ne vise nullement à sonder les convictions religieuses des élèves et encore moins à leur imposer de les abandonner.
Malgré ces dérives condamnables et ces polémiques interminables, le CFCM regrette et récuse les accusations d’islamophobie systémique en France. Dans sa position constante, le CFCM a toujours refusé cette accusation, qui en plus d’être fausse, ne fera qu’exacerber la division et la discorde au sein de notre pays. Les musulmans de France ont confiance dans les principes et les valeurs de la République qui animent l’immense majorité de nos concitoyens.
La force d’un État de Droit est le respect strict de ses principes et sa résistance aux tentations de l’arbitraire, y compris dans les pires situations d’adversité. Préserver les jeunes filles contre les idéologies obscurantistes et extrémistes et les protéger contre toute pression et prosélytisme, est une mission noble que nous devons assurer en recourant à des moyens légaux et conformes à nos idéaux républicains. Le jour où nous nous écartons des principes qui fondent notre République, sous prétexte que celle-ci soit testée par les extrémistes, nous aurons offert à ces derniers une victoire dont ils n’auraient jamais rêvé.
Le CFCM lance un vif appel aux forces vives de la Nation qui doivent absolument se ressaisir. La Laïcité est un principe fondamental et un bouclier qui nous protège et nous unit. Il est de notre devoir de continuer à tempérer les ardeurs de certains dans leurs propos et leurs comportements, de dénoncer les dérives qui nuisent au vivre ensemble et de renouveler, plus que jamais, nos appels à la raison.
Paris, le 7 septembre 2023
Le Conseil Français du Culte Musulman